Wednesday, January 23, 2013


Otages japonais. Victimes à plus d'un titre 




D'un journaliste japonais que j'interrogeais sur la crise des otages, j'ai eu cette réponse invraisemblable: "Je ne peux rien te dire de nouveau, maintenant je travaille sur la préparation du budget 2013 2014, c'est la priorité politique." En résumé, la crise des otages d'In Aménas, intervenue en parallèle avec la guerre française au nord Mali, disparaitra-t-elle bientôt de l'actualité japonaise?

Les autorités japonaises n'ont rien dit ou peu. Triste réalité. Familles ignorées, seule la raison politique et le rapport de force qui étaient en la défaveur de l'opinion japonaise. Les autorités politiques de monsieur Shinzo Abe vont utiliser cette prise d'otages pour relancer le thème d'un Japon devant être militairement plus fort. Des désirs avoués et fortement suggérés par les firmes du secteur économique, le complexe militaro industriel BTP ingénierie japonais. "On veut exporter des armements comme on a exporté des appareils photos dans les 60's." Faut-il en dire plus sur les intentions japonaises?

Les témoignages s'accumuleraient néanmoins, portant sur des négociations ratées par les japonais, trop surpris par la situation, concernant le paiement de rançons aux kidnappeurs. Donc du retard dans la communication de Tokyo. Si vrai c'est assez pitoyable, un enfer pour les amis et les familles de ces employés de JGC. "Attendez on négocie avec les preneurs d'otages." Le Gaimusho ne l'avouera jamais mais c'est comme cela que cela se fait au Japon, toujours et en secret.

D'autres témoignages émanent de l'assentiment rapide donné aux militaires Algériens par Paris et Washington. "Do it and do it quick!" Faites-le et faites-le vite, on ne va pas garder l'affaire des otages des mois durant. Les Tupac Amaru et la conclusion fatale, c'est un souvenir plein d'amertume chez les japonais et les péruviens.

Dans les premières heures de la prise d'otage ne dit-on pas ici que les médias ont été écartés et mis dans l'incapacité de pouvoir fournir des informations. Les gouvernements argumentent difficilement en parlant de "la surprise de l'attaque" des terroristes et de la contre attaque algérienne. Vraiment? Mais alors quel est l'utilité de payer des gens devant informer et négocier pour notre sécurité s'interroge notre confrère inquiet de ces blocages politico-religieux "alors que le Japon économique a tant de travail pour se remettre sur les rails de la croissance" commentera en écho le présentateur de TV Asahi.

Ainsi sont les drames et se succèdent. La mère d'un otage mort en Algérie vit un second drame personnel, d'abord la perte de sa maison dans le tsunami de mars 2011 et ensuite celle encore plus précieuse de son fils tué sur le site d'In Aménas. Monsieur Fumihiro Ito, 59 ans était employé par JGC, il était originaire de Minami Sanriku, préfecture de Miyagi où sa mère Fukuko vivait seule, sa maison a été détruite par le tsunami de mars 2011 et elle habite dans un logement temporaire dans la ville voisine de Tome, information navrante.

Dernier élément, dans cette guerre qui est une guerre d'intérêts économiques pour beaucoup de nations et de firmes impliquées dans la zone, Areva par exemple avec l'uranium du Niger, le Sahel est vu par des commentateurs Japonais comme éminemment stratégique, et la question posée porte sur les combats et les preneurs d'otages. Vont-ils s'arrêter aux seules installations d'In Aménas? Sarkozy avait mis ses conseillers de sécurité dans les services de renseignements français pour éradiquer ce que les services nommaient la menace Jihadiste, "méprisant d'autres dossiers". L'automne 2012 a déroulé lentement la stratégie française. Il suffisait d'un maigre aval des Nations Unies.

La France est en guerre dans son pré-carré, elle n'est pas la seule, dans cette partie du monde qu'elle ne pourra pas contrôler, les "Marsouins" jouent les rôles les plus difficiles, honneur et admiration dont font preuve ces combattants. Mais l'histoire se répète et ces secousses du Sahel opposent depuis toujours des mondes opposés et hostiles, les intérêts, l'intolérance, la foi et la conquête, ancrées si profondément en Afrique et au Moyen Orient.

Qui l'emportera? La supériorité militaire au début. Il faudrait alors accompagner cette "néo-pacification" de moyens importants et d'infrastructures pour que le développement dure et s'affine. La France, expérimentée certes, et ses alliés bien timides, en ont-ils vraiment le désir et le temps? Quel symbole enfin que ce soit un socialiste devenu président qui engage la France dans cette opération interprétée aujourd'hui par cet ami journaliste japonais, il finit notre conversation par ces quelques mots: "en bref, c'est une suite inattendue des guerres coloniales françaises d'autrefois, nous, on a changé, on négocie toujours avec les pays en question."

Au fait, qu'en dit la Chine?